Se retrouver dans un temps suspendu
Article de Angiola Rocca, suppléante de piano au Conservatoire populaire – 24.03.20
Cette période de fermeture des écoles, de confinement et d’incertitude, est surement difficile pour nous tous …mais vue autrement, nous vivons une “pause” dans notre société qui souvent nous étouffe avec des rythmes quotidiens bien effrénés. La vie nous offre une nouvelle dimension du temps, propice à la découverte de nouvelles activités et au travail de notre instrument. Peut-être même les parents et les grands-parents qui désirent depuis longtemps commencer un instrument ou reprendre quelques morceaux travaillés pendant l’enfance, vont trouver ce moment idéal pour consacrer quelques heures à la musique.
Le temps passé à l’instrument crée l’expérience d’une espace d’écoute, d’attention et d’humanité dont nous avons de plus en plus besoin. Le besoin de répétition, inhérent à chaque apprentissage (et en particulier celui de la musique) se révèle souvent en conflit apparent avec le besoin d’avoir toujours des nouveaux intérêts et des nouveaux apports pour maintenir vivante la motivation et la curiosité. Mais le travail de répétition et de recherche amènent à un état similaire à celui de la méditation, qui apporte une calme intérieure, la confiance en soi, le “ici et maintenant”, l’acceptation de chaque instant, élément fondamental pour le bien être humain.
Le premier ennemi de la motivation c’est le manque de patience qui se produit par exemple quand nous avons envie de réussir tout de suite, quand quelqu’un nous dit de nous dépêcher, quand nous avons l’impression de ne pas aller assez vite, de ne pas être assez doués, de ne pas avoir assez de temps.
Maintenant dans cette situation il n’y a personne qui nous presse, les examens et les auditions sont reportées, nous avons finalement ce temps tant désiré.
Alors ouvrons nous à cet état de conscience où on pourrait jouer des heures sans vouloir s’arrêter, dans un temps suspendu, où la répétition crée un espace sacrée de sécurité. On peut “prendre le temps qu’il faut” pour résoudre une difficulté, pour les pianistes, nous pouvons avoir le plaisir d’être dans la sensation de la vitesse de descente des touches pour maîtriser les nuances et le toucher, nous pouvons prendre le temps de fixer les doigtés, de programmer les gestes et les déplacements des coudes et des poignets, ou de bien ressentir les écarts latéraux des doigts (les empreintes) pour jouer les accords, d’écouter le son produit par le fait de bien aller jusqu’au “fond des touches”, de jouer lentement !
C’est ainsi que cette période nous apprendra ce qu’on devrait faire tout le temps en travaillant notre instrument. La répétition à la maison devient un besoin dans le désir de continuer à améliorer l’exécution, à consolider ce que nous avons expérimenté pendant le cours. Et on gagnera en confiance et en santé physique et psychologique. Nous remercierons pour toujours nos parents de nous avoir offert l’immense cadeau de pouvoir suivre une formation musicale.